Rotation montagnarde

Michel Butor


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ROTATION
UN  LIVRE  D'EXCEPTION
par  Daniel Leuwers

Rotation : un texte de Michel Butor avec des peintures de Chantal Giraud, dans une typographie de Laurent Né.

Tous ces ingrédients devaient concourir à la fabrication d'un nouvel ouvrage voué à rejoindre la vaste bibliographie du célèbre écrivain. Or, les choses ne se sont pas passées ainsi, et ce livre obéit à un destin singulier qui le rend exceptionnel.

Résumons : Michel Butor écrit un poème qui égrène malicieusement le cycle des mois et des saisons. Il confie son texte au typographe Laurent Né qui décide de le mettre en pages. Laurent Né apporte le travail accompli à Butor qui, dans son bureau de Lucinges, en juin 2016, signe au colophon les 13 exemplaires. Il signe dans le même temps les exemplaires d'un autre petit livre où il a été accompagné par Chantal Giraud.

A son tour, Chantal Giraud, à Manosque, accompagne de peintures tournantes et enveloppantes la Rotation de Butor. L'artiste a déjà eu en 1984 des contacts avec Michel Butor par l'entremise de Patrice Pouperon qui anime les éditions de La Garonne.

Mais une fois le livre terminé, un épineux problème se pose. Michel Butor n'a pas eu ni pris le temps de relire les épreuves typographiques, et Chantal Giraud s'est jeté avec enthousiasme dans sa partition sans faire attention aux détails du texte. Or quelques erreurs typographiques émaillent le bel ouvrage. Que faire ? Faut-il considérer ce livre comme mort-né ? Non : chacun décide d'assumer ses responsabilités après que Michel Butor a malheureusement disparu à la fin du mois d'août 2016.

Les erreurs typographiques ne chercheront donc nullement à se dérober mais seront, bien au contraire, clairement corrigées à l'encre rouge selon la tradition des vieux maîtres (c'est Philippe Moreau qui s'acquitte de cette tache ingrate et ajoute sa signature au colophon).

En l'absence de tout artifice ou maquillage factice, le rouge des corrections devient une source de peinture complémentaire et une façon de souligner la rotation qui meut souvent l'écriture dans ses accidents les plus insignifiants -qui deviennent, de la sorte, signifiants.

Le texte de Butor parle, au chapitre « Septembre », de « délices inattendus » à l'endroit même où un glissement typographique a été corrigé à la fine encre rouge. L'écrivain s'en serait certainement amusé, lui qui, au chapitre « Mars », nous offre des vers qui semblent condenser le destin de ce livre promis à l'exceptionnel :

« on apprend l'alphabet des cimes
en cherchant le moyen d'aller
de l'autre côté de la barre
découvrir les versants intacts. »

Les œuvres les plus intactes ne sont-elles pas celles que l'on a caressées avec le plus grand tact ?

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