Le réel est toujours ce qu'on n'attendait pas parce qu'habituellement nous le confondons avec la réalité. Chantal Giraud ne confond pas la réalité et le réel. Elle pressent d'abord et rend présent ce qu'elle a pressenti. C'est ainsi que naît son œuvre. L'espace qu'elle ouvre n'est plus Ia transposition de sa vision initiale. Une œuvre d'art n'est jamais le mémorial d'une idée, d'une chose ou d'un événement. Elle est la vérité.

Lieu et forme ne faisant qu'un ; c'est ce que Paul Klee appelait « le moment cosmogénétique ». Un espace plastique n'est pas un réceptacle d'images ou de signes. Il est le rythme qui confère aux éléments une dimension formelle, la dimension selon laquelle une forme se forme. C'est la genèse rythmique qui fait les formes. Elles naissent du mouvement des couleurs. Pour l'artiste, il ne s'agit pas de rendre sensible les trois dimensions de l'espace, mais son uni­tridimentionalité qui ne décrit pas la réalité mais exprime un concept spirituel.

Le monde créé est là avant les choses et c'est sa réalité qui fonde la leur. Ce que Saint Paul a si bien exprimé lorsqu'il parle de la largeur, de la hauteur et de la profon­deur de l'amour de Dieu. (Ephésiens 3.18)

C'est le sentiment que devait éprouver Paul Cézanne devant la Sainte Victoire. Pour lui, cette montagne était le lieu où s'accomplit la confluence de la hauteur de la montagne et de l'étendue de la plaine. Où se réalise l'unité entre le ciel et la terre. Dans le mot « émotion », il y a « motion », ce qui nous meut, dans la beauté de la création et la profondeur de l'amour du Créateur.

 

André GENCE
peintre et prêtre de la Mission de France

 

André GENCE, 1918 - 2009

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