Eglise Saint-Sauveur à Manosque
Du baptistère, par la chapelle de la réconciliation au tabernacle… des œuvres de Chantal Giraud nous guident…

 

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L’église Saint-Sauveur est rigoureusement orientée ; c'est-à-dire qu’on y entre par l’ouest, le côté de la mort, mais en lui tournant le dos.
Entrer dans une église, c’est mettre fin à une errance, c’est sortir de son désert.


De quel amour sont aimées tes demeures, Seigneur, Dieu de l’Univers ! Mon âme s’épuise à désirer les parvis du Seigneur. Oui un jour dans tes parvis en vaut plus que mille. J’ai choisi de me tenir sur le seuil, dans la maison de mon Dieu plutôt que d’habiter parmi les infidèles (Ps.83)


Nous sommes au fond de l’église, du côté de la mort ; pour les Hébreux, l’eau, c’est la mort (cf la mer rouge qu’ils ont pu traverser sans y être engloutis). Et voici la cuve baptismale. Elle est en marbre blanc. Il faut y monter et nous regardons l’ouest, à nouveau.


Au dessus, deux cercles et un rectangle.


Dans le rectangle, une peinture, un peu gauche. Jean baptise Jésus ; le baptiste est sur un rocher, Jésus a les pieds dans le Jourdain.
Dans le cercle du dessus, un vitrail avec la colombe, qui évoque le Saint-Esprit. Cette colombe passe dans le haut du tableau, du cercle au rectangle, du divin à la matière : « Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui je t’ai engendré ».


Le cercle du dessous est l’œuvre de Chantal Giraud ; c’est un verre fusionné, rugueux, opaque et lumineux, c’est un torrent qui charrie de l’or. Il prolonge et reprend le tableau ; cette eau est celle du Jourdain et les striures d’or fin s’infléchissent comme les personnages peints à qui elles donnent le mouvement qui leur manque un peu au dessus. Ces reflets comme l’écume d’un plongeon, forme une croix vivante. Ils sont comme des poissons scintillants, signes de vie, symboles des premiers chrétiens.


Ce cercle de verre épais qui garde les élans et les suggestions de la fusion, qui dit l’eau par le feu, et l’esprit par la matière, vient donner vie à l’ensemble du mur. Il est discret, comme Jésus au milieu des autres baptisés ; mais il est là ; dans le langage de notre temps il vient réveiller, sans tapage, les traces un peu désuètes des autres siècles. Le passé re-vit.


Et le nouveau baptisé, plongé dans l’eau du cercle horizontal de la cuve de marbre blanc, va vivre d’une vie nouvelle ; il peut se retourner¸ descendre les degrés et reprendre sa marche.


Il peut emprunter le bas-côté. Tout de suite, à gauche, une niche de faible profondeur. Il faut s’avancer pour voir que la lumière extérieure est arrêtée et redistribuée par un autre verre fusionné de Chantal Giraud.


Il s’organise aussi en puissants sillons, blancs cette fois, qui dessinent et font communiquer entre elles deux formes circulaires ouvertes, la double spirale d’un geste ascendant et descendant ; l’ensemble est d’une pureté boréale, nous sommes du côté nord ; il est toutefois réchauffé par sept clous d’or ; sept, comme les jours de la Création…


C’est un homme nouveau venu du baptistère qui peut s’arrêter ici quelques instants… Les trois clous d’or du haut nous disent le Ciel trinitaire, les quatre en dessous, notre terre et ses points cardinaux ; mais ce Tout communique. Au baptême de Jésus, à son Ascension, les cieux se sont ouverts ; mais comme sur l’échelle que voyait Jacob¸ on peut aller et venir.


Cette modeste chapelle est dédiée au sacrement de la réconciliation et à Sainte Thérèse, la grande et humble sainte de Lisieux.


Le geste gravé de la dalle de verre symbolise l’œuvre de l’amour infini de Dieu qui vient réconcilier l’homme avec Lui, dans la rencontre du pardon.


Quelques jours avant sa mort, répondant à sa sœur qui lui demandait « Vous nous regarderez du haut du Ciel, n’est-ce pas ? », Thérèse avait dit : « Non, je descendrai ».


Après l’avoir priée, après avoir entendu encore ses dernières paroles « Mon Dieu, je vous aime », on peut aller cette fois vers l’autre porte, celle du tabernacle, du pain vivant, celle du soleil levant.


« Le Seigneur Dieu est un soleil ; il est un bouclier, il donne grâce et gloire » (Ps.83)

Raymond TETART, enseignant universitaire